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Cheval avec cavalière

Voyage Unique: Comprendre la Mort d’un Cheval

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Je ne traverserai ce monde qu’une seule fois. Par conséquent, tout bien que je peux faire ou toute gentillesse que je peux montrer à n’importe quel autre créature, laissez-moi le faire maintenant. Permettez-moi de ne pas la reporter ou de la négliger car je ne passerai plus par là.

Etienne de Grellet

La mort d’un cheval est dense…  Je viens de le vivre de plein fouet. C’est difficile à vivre et en même temps je suis totalement en paix.

Parfois j’ai un grand trou au milieu de la poitrine. Quand je me concentre dessus ma gorge se serre et les larmes me montent aux yeux. Je sais que je dois laisser couler. 
Mon réflexe est de me reprendre, de me dire « sois forte »… je reste comme bourrée d’adrénaline de devoir encore gérer la situation difficile. Je ne traverserai ce monde qu’une seule fois et  j’ai décidé de vivre mieux les situations douloureuses.

Ma première expérience en juin 2014 a été catastrophique pour moi. J’ai fait passer mes clients et leur chagrin avant le mien. J’ai accompagné six personnes pendant deux jours dans un état second. Coupée de mes émotions je me suis mise totalement à leur disposition. Je n’en suis pas très fière aujourd’hui. J’ai payé fort cher de n’avoir pas exprimé ma tristesse réellement. C’est pour cela qu’il m’a fallu beaucoup de temps pour laisser sortir ce chagrin légitime de la perte de mon premier cheval, Lancelot, et que je me sente enfin réunifiée.

Je refuse de revivre cette dissociation six ans plus tard. Et j’ai repoussé mes coachings à plusieurs jours.

L’explosion émotionnelle

Ce fût quatre heures d’une rare violence avant l’apaisement. J’ai tenté d’adoucir la situation au mieux pour ma jument . J’en ai gardé un épanchement de synovie en tombant avec elle. 

C’était la meilleure décision possible pour Liberty. Je suis heureuse d’avoir pu l’embrasser sur le chanfrein. Encore plus d’avoir pu lui dire que je l’aimais au moment où elle partait. Je suis surtout heureuse pour avoir été au milieu du troupeau . Et que cela ce soit passé avec le vétérinaire qui l’accompagnait depuis son arrivée chez moi.

Cette solitude m’a convenu. J’ai toujours eu beaucoup de mal avec les envolées émotionnelles humaines dans des moments denses. 

Ceux qui se coupent de leurs émotions et qui font n’importe quoi. Et qui prennent des décisions sans tenir compte des autres. Ceux qui se vautrent dans le souvenir de tout ce qui a été difficile pour eux dans des situations similaires. Et qui n’arrêtent pas de commenter. Ceux qui envahissent de leur compassion, ceux qui restent froids comme du marbre.

C’est tout un chamarré de réactions de ce que l’émotionnel engendre. Comme une formidable explosion… implosion pour certains. Une surcharge électrique qui tout à coup pète dans tous les sens au grand jour… et comme chacun le peut.

Peut-être que mon « sois fort » vient de là. Me couper de tout cette invasion émotionnelle pour rester dans l’action. Je ne traverserai ce monde qu’une seule fois. Par ses chutes à répétitions, Liberty m’a enseigné le plus important qui soit pour l’aider . Rester présente sans bivouaquer dans mes propres émotions de sensations de perte, de manque, de vide ou de peur.

 

Un cheval meurt parmi les siens

 

Et respirer et comprendre la mort de son point de vue.

Un cheval meurt parmi les siens et c’est bien ce que j’ai voulu permettre à Liberty. Son troupeau était primordial. C’est avec lui qu’elle a passé le plus grand nombre d’heures, vécus le plus grand nombre d’expériences, partagés les moments de chaque instant, les sautes d’humeur comme les moments d’apaisement. Je n’ai pas voulu voler aux autres chevaux la possibilité de voir une âme importante de leur vie s’en aller. Une anima qui viendra à leur manquer.

J’ai mis les trois autres chevaux dans le même espace qu’elle. Deux d’entre eux derrière un fil, et celui qui partageait le plus grand nombre d’heures avec Liberty près d’elle. Plusieurs fois il m’a regardé, comme questionné de ce qui se déroulait sous nos yeux. En attendant le vétérinaire j’ai partagé mon temps entre Liberty qui essayait encore et encore de se relever sur une jambe qui avait remis sa démission, et lui qui comprenait que quelque chose de terrible se produisait : plus jamais elle ne serait debout !

Au fil des heures elle a fini par accepter et abandonner ses tentatives de se relever. Le troupeau mangeait avec les yeux fixés sur elle. Quand le vétérinaire l’a endormie j’ai laissé tous les chevaux l’approcher. Leur niveau de stress a monté. Ils ont galopé dans tous les sens en regardant là où Liberty broutait les derniers temps. Ca a duré moins d’une minute. Puis ils sont repartis à manger de l’herbe avec un calme étrange. Un calme que je connais pour l’avoir déjà vécu lors du départ de Lancelot. Le soir je les ai retrouvés en méditation côte à côte. Ils sont rentrés aux écuries très calmes. Toute la journée d’hier était aussi dense de ce grand calme et encore ce matin. 

La dignité

J’ai pris mon courage à deux mains pour enlever ce qui appartenait à Liberty. Tchekhov qui la considérait un peu comme sa « Maman » a commencé à hennir. J’ai été lui ouvrir la porte de l’écurie pour qu’il puisse rejoindre la prairie. Il est resté proche de moi. Je me suis sentie envahie d’une immense vague de tristesse. Il s’est approché, a mis son gros nez sur ma joue quelques instants puis est sorti. Il est re-rentré pour me jeter un dernier regard avant de continuer son chemin. Je l’ai suivi des yeux rejoindre les autres.

Je ne traverserai le monde qu’une seule fois… En étant parmi les chevaux depuis tant d’années, je reste admirative de leur façon de gérer l’émotion de la tristesse…. Ils sont « contenants ». Leur présence est contenante. Ils restent calmes, en présence.

« Je ne pourrai rien changer à ce qui vient d’arriver. Je ne pourrai pas effacer la tristesse, ni rajouter ou enlever quelque chose. En silence, je serai là pour t’aider à porter ce chagrin aussi longtemps que tu en auras besoin ». 

Inconnu

C’est totalement et complètement ce que je ressens et c’est ce qui nous touche chez eux. Leur silence. Ils sont là à côté parce qu’ils ont un rapport à la vie et à la mort bien différent du nôtre. 

Aujourd’hui je regarde mon trio et je lâche.

Je veux prendre le temps de voir comment d’un quatuor on passera à un trio. Voir comment se vivra la dynamique du troupeau. 

Je veux prendre le temps que je n’ai pas pris en 2014. Je veux prendre le temps d’aller à la rencontre de ce passage douloureux qu’est le deuil. Et je veux le faire en prenant exemple sur la dignité des chevaux. Parce que je ne traverserai ce monde qu’une seule fois.

6 réponses

  1. Merci Florentine pour ce superbe écrit qui rend hommage à Liberty. C’est comme si nous avions vécu ces denières heures avec elle et que nous lui avions dit au revoir…

    1. Merci Isabelle. C’est touchant que tu puisses lui dire adieu au travers de cet écrit. Vous avez vécu de beaux échanges elle et toi…

  2. En juillet dernier, Charlie s’en est allé comme il était arrivé dans notre cercle familial 3 ans plus tôt : de manière inattendue. La seule raison qui me pousse à être sereine par rapport à son départ est qu’il a sans doute passé les 3 premières années de sa vie dans la solitude et qu’il est parti entouré de beaucoup d’amour. Et surtout qu’il repose près de moi au quotidien.
    J’apprends à accepter l’inéluctable : ne pas pouvoir aller à l’encontre de la maladie, prendre la décision d’arrêter la souffrance pour un être qui compte. Je n’ai pas su gérer ce type de situation lors du décès de ma maman il y a plusieurs années.
    J’ai tendance à me laisser submerger par les émotions des autres et à vouloir décider à leur place ; “pour leur bien” mais peut-être est-ce davantage pour le mien ? Le besoin de tout contrôler est tellement énergivore.

    1. Merci de ce témoignage si touchant Nancy.Nous sommes tous vulnérables face à ces situations extrêmes. C’est par le travail sur soi que ce chemin devient plus léger, moins contrôlant et moins énergivore.
      Le départ entourant d’amour de Charlie est un premier pas et un si beau cadeau…

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